Lorsque l'on regarde l'océan, le seul bruit que l'on entend est souvent celui des vagues qui s'écrasent. Les sons produits sous les vagues rebondissent sur la surface, à la limite entre l'eau et l'air. Nos oreilles sont faites pour entendre dans l'air. Les sons sous-marins sont atténués, et nos cordes vocales sont faites pour produire des vibrations dans l'air. Le son dans l'eau est étranger pour la plupart des êtres humains.
Pourtant, c'est grâce à ces sons que nous étudions les animaux marins et que nous travaillons à leur protection. Nous écoutons à l'aide d'un microphone conçu pour être utilisé dans l'eau, appelé hydrophone. Les hydrophones peuvent être placés à un endroit précis (amarrés) ou attachés à des planeurs sous-marins qui parcourent des milliers de kilomètres dans l'eau. Les données des hydrophones peuvent nous indiquer où se trouvent les baleines et quand elles migrent vers différentes régions, ainsi que leur comportement, en se basant non seulement sur la présence de cris de baleines, mais aussi sur leur type.
Le son voyage rapidement et sans entrave sur d'immenses distances dans l'océan. En comparaison, la lumière du soleil rebondit sur les molécules d'eau et finit par se dissiper. L'océan a une profondeur moyenne de 4 km et la lumière du soleil n'atteint que les premières centaines de mètres. C'est pourquoi la vie océanique a développé des moyens pour utiliser le son au lieu de la lumière. Dans un article de la BBC, Christopher Clark, chercheur sur les baleines, a expliqué que «la conscience et le sens de soi d'une baleine sont basés sur le son, et non sur la vue.» Pour les baleines, même en l'absence de lumière, la vue subsiste.
En fait, les baleines s'appellent les unes les autres lorsqu'elles sont proches, mais également à des centaines de kilomètres, parfois sans jamais se rencontrer. C'est comme un appel téléphonique longue distance ; comme le dit Michelle Fournet, chercheuse en communication des baleines à bosse, les baleines s'appellent depuis de grandes distances comme pour dire : «Je suis ici et tu es là.»
Bien que l'enregistrement des sons des baleines et d'autres mammifères marins remonte aux années 1960, ce n'est qu'au cours de la dernière décennie que nous avons appris à quel point les sons sont utilisés par toutes sortes d'espèces vivant dans l’océan. Pour les animaux marins, l'océan est un endroit bruyant.
Les récifs coralliens bruyants en sont un bon exemple. Après leur éclosion sur les récifs coralliens, de nombreux alevins se déplacent au gré des courants vers la haute mer et, une fois adultes, cherchent une maison. C'est par le son que ces poissons retrouvent le chemin vers les récifs coralliens. Ils sont attirés par la cacophonie des habitants du récif qui vaquent à leurs occupations. En fait, les chercheurs ont constaté qu'en diffusant les sons émis par les récifs en bonne santé, ils peuvent attirer les poissons vers les récifs en dégradation, où ils s'installent et commencent à reconstituer la communauté du récif.
En écoutant les récifs coralliens, les chercheurs sont encore en train d'identifier l'animal responsable de chacun des nombreux et divers bruits. Le poisson-clown dans son anémone, par exemple, fait un bruit de claquement pour communiquer avec sa famille en faisant claquer ses dents l'une contre l'autre. Et un petit poisson jaune appelé demoiselle ambon émet un son aigu en défendant ses œufs.